Miriam Makeba (Afrique du Sud)

Miriam Makeba (Afrique du Sud)

En Afrique du Sud, on a décidé de vous parler de Miriam Makeba car son histoire et ses combats racontent bien le pays qu’on a découvert à travers nos visites et nos rencontres.

Miriam Makeba, plus connue sous le nom de Mama Africa est une des artistes noires Africaines qui a le plus marqué le XXe siècle. Chanteuse d’ethno jazz et militante politique, elle a été une grande voix contre l’apartheid et une vraie citoyenne du monde avec toutes ses nationalités (guinéenne, algérienne, tanzanienne et même citoyenne d’honneur française en 1990 !)

Si on ne la connait pas, on connait au moins l’air d’un de ses premiers grands succès « Pata Pata » (1967). Ce titre fait référence à une danse à la mode dans les townships dans les années 50 et veut dire Toucher Toucher en Xhosa. Il sera repris en 1980 par Sylvie Vartan (Tape Tape).

Pata Pata

On connait sinon son autre grand succès de 1968, Qongqothwane, plus connu sous le nom de Click Song pour nous occidentaux, incapables de prononcer en Xhosa « Toc Toc le scarabée ». Ce dernier est en fait une reprise d’un chant populaire africain, chanté aux mariages faisant référence à ce coléoptère porte bonheur dans la culture Xhosa.

Click Song (Qongqothwane)

Si les deux succès précédents ne vous disent rien, la chanteuse Jain a mise à l’honneur Miriam Makeba en 2015 dans son titre « Makeba », écrit pour rendre hommage à celle qui s’est battue pour défendre les droits des hommes. « Je veux te voir te battre, car tu es la vraie beauté des droits humains » chante-t-elle en anglais.

Makeba, Jain

Zensi Miriam Makeba nait en 1932. Sa mère est une domestique dont la famille est issue de la population Swazi. Son nom Zensi est le diminutif de Uzenzile et qui veut dire en Swazi : « Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même ». Son père est instituteur, issu de l’ethnie Xhosa, deuxième ethnie sud-africaine après les zoulous représentant environ 18% de la population et connue pour sa langue aux clicks consonants.

Son nom de naissance complet en Xhosa étant : Zensile Makeba Qgwashu Nguvama Yiketheli Nxgowa Bantana Balomzi Xa Ufnu Ubajabulisa Ubaphekeli Mbiza Yotshwala Sithi Xa Saku Qgiba Ukutja Sithathe Izitsha Sizi Khabe Singama Lawu Singama Qgwashu Singama Nqamla Nqgithicar (à prononcer avec tous les clicks). Les Xhosas que nous avons rencontrés sont fiers de leur long nom, qui porte le nom de tous leurs ancêtres mâles (on se passera de commentaires quant à cette tradition bien patriarcale).

Elle n’a que quelques jours quand sa mère est emprisonnée avec elle durant 6 mois, pour avoir brassé de la bière illégalement pour arrondir les fins de mois, ce qui se faisait souvent dans les townships à l’époque. Son père meurt alors qu’elle a 6 ans. Elle travaillera comme garde d’enfants et laveuse de taxi avant de commencer à chanter dans un groupe vers l’âge de 20 ans avec ses cousins.

Miriam Makeba grandit dans le township de Sophiatown près de Johannesburg. Sophiatown était le foyer du jazz et de la vie festive. Il y avait toujours une fête à Sophiatown. C’était l’un des rares endroits où les noirs pouvaient être propriétaires. Sophiatown était aussi un centre politique pour l’ANC (African National Congress). Nelson Mandela, dans sa biographie, raconte comment, lors du démantèlement des townships en 1950 et la division des sud-africains en 7 groupes ethniques, Sophiatown accueillait tous les dimanches sur sa place des libertés, les réunions de l’ANC. C’est là aussi où Mandela comprit que la violence serait le seul moyen de détruire l’apartheid et que le temps de la résistance passive était révolu. Les autres membres de l’ANC n’étaient pas encore de cet avis.

En 1959, à 27 ans, Miriam Makeba est contrainte à l’exil. Alors qu’elle est en tournée avec son groupe sur le continent africain, l’Afrique du Sud, son pays, la déchoit de sa nationalité à la suite de son discours tenu à l’ONU contre l’apartheid et aussi à sa participation dans le film anti-apartheid Come Back Africa.

Elle s’exile alors aux Etats-Unis où elle connait le succès assez rapidement grâce à ses différentes rencontres. En 1966, elle obtient un Grammy Award pour son album avec Harry Belafonte grand ami et soutien de Martin Luther King. En 1969, elle se marie avec un des leaders des Black Panthers et de ce fait est contrainte de s’exiler en Guinée, sous la protection de Sékou Touré, père de l’indépendance de la Guinée. Elle commence alors des tournées à travers les pays africains, prônant des messages de paix et d’unité. Elle a toujours rêvé d’une grande Afrique unie.

Les années 80 sont difficiles notamment à cause du décès de sa fille unique Bongi des suites d’une fausse couche. Elle part s’installer en Europe dans la banlieue de Bruxelles.

Dix ans plus tard, c’est la fin de l’apartheid, Mandela est libéré. Ce dernier la convainc de revenir en Afrique du Sud. Elle aidera à façonner la nouvelle Afrique du Sud libérée en étant ambassadrice de bonne volonté à l’ONU, participant à des missions humanitaires et collaborant étroitement avec Graca Machel-Mandela, la first lady. Elle fondera aussi le centre Makeba de réhabilitation pour femmes et jeunes filles abusées, elle qui aura connu un premier mariage avec un homme abusif.

Elle continuera à enregistrer des disques, à collaborer avec de grands artistes tels que Nina Simon, à se produire en concert et connaitra encore le succès avec un album produit en collaboration avec Paul Simon. Elle décède en 2008 à la fin d’un concert en Italie tenu en soutien à Roberto Saviano, auteur de Gomorra et menacé par la Mafia.

L’histoire de Makeba nous a passionnés pour son parcours personnel depuis les townships jusqu’au succès mondial et sa lutte incessante pour les droits des Africains et des Hommes. Elle nous a rappelé nos rencontres avec les Xhosas, la découverte de l’histoire des townships, les combats des sud-africains, les petits boulots pour juste survivre.

Miriam Makeba 1960 © 1978 Maurice Seymour
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