Sur les berges du lac Erhai
Le train file à vive allure pour parcourir les 1200km entre Guilin et Dali, notre nouvelle destination. Rien de remarquable dans les paysages que nous traversons sauf dans les dernières heures où nous traversons presque de façon continue une quantité innombrable de tunnels, preuve que le paysage devient plus montagneux. De fait, sans nous en rendre compte, nous sommes montés à 2000m. Dali se situe sur les berges du grand lac Erhai au bord duquel s’élèvent les premiers contreforts de la chaîne Himalayenne qui s’étend jusqu’au Tibet, 2400km plus loin. Déjà, les monts Cang Shan qui dominent le lac s’élèvent à plus de 4000m. A quelques centaines de kilomètres à l’Ouest de Dali, c’est la frontière birmane.
Si nous sommes bien en Chine, cette région est néanmoins connue pour être le fief de l’une des 56 ethnies de Chine, l’ethnie Bai avec 1 800 000 représentants. Emergeant des premiers peuples s’étant installés sur les berges du lac dès le Néolithique, les Bai se sont unifiés notamment avec la création du royaume Nanzhao au VIIIème siècle qui incluait également des membres de l’ethnie Yi. Ce dernier dura jusqu’aux invasions mongoles du XIIIe qui provoquèrent sa disparition. Aujourd’hui, son importance et sa spécificité ont été reconnus en lui conférant une certaine autonomie administrative. Comme au Vietnam, ce sont les femmes qui portent encore le costume traditionnel, arborant les quatre éléments importants dans la culture Bai: le vent, la neige, les fleurs et la lune. Curieusement, dans la rue les costumes diffèrent. Certains sont faits d’une base pantalon-chemise blanche et d’un plastron et d’une coiffe rouge. D’autres sont dans des tons de bleu foncé et bleu clair avec une coiffe soit ornée de grandes fleurs rouges soit bleu foncé avec des touches florales de bleu clair et de blanc. D’autres encore sont un mélange des deux ! Après quelques recherches et questions (merci Google Traduction!), nous comprendrons que le costume des Baï évolue pour refléter l’âge et le statut marital de la femme. Par ailleurs, un costume plus “joyeux” a été créé il y a quelques décennies pour des fins touristiques et refléter selon l’autorité de la province, toute la joie de vivre et la richesse des Baï. Nous préférons l’ancien, plus sobre mais plus élégant et authentique.
Le lendemain, le temps étant clément, nous avons décidé de nous rendre sur l’autre rive du fleuve dans un petit village du nom de Shuanglang d’où, nous a-t-on dit, partent de belles pistes cyclables sur la rive Est du fleuve. Nous n’avons jamais trouvé ni piste cyclable, ni vélo à louer. Mais quel beau village ! Il faut le rappeler en préambule, nous sommes en basse saison et avons donc cette chance de découvrir les sites avec très peu de touristes. Même si les touristes chinois déferlent à Shuanglang l’été et que les commerces se sont développés pour capter le maximum de cette manne (thé, gâteaux à la fleur, restaurants en tout genre, artisanat) nous avons ressenti une réelle authenticité se dégageant de ce village. Les rues sont une splendide vitrine d’architecture Bai. Commerces, maisons, temples. Tous à leur façon témoignent de ce style spécifique aux devantures faîtes de plusieurs pavillons s’avançant et de motifs très colorés d’oiseaux et de fleurs.
A un carrefour, un nombre d’hommes et de femmes foulards blancs sur la tête, grands et larges bâtons d’encens violets dans la main, sont réunis et semblent attendre le départ d’une procession. Soudain, une pétarade. Le cortège s’ébranle lentement, quatre hommes porte un palanquin miniature, un autre un portrait. Cela nous semble être une fête funéraire. Nous n’osons demander de peur de déranger. Un peu plus loin sur une place, une petite dizaine d’hommes et de femmes sont réunis chacun de leur côté autour d’une table de jeux, les unes au soleil, protégées de leur chapeau, les autres sous un superbe pavillon Bai. Ça et là des femmes âgées sont assises sur un perron ou encore sur un banc. Certaines brodent. D’autres regardent la vie du village se dérouler sous leurs yeux. D’autres encore tiennent un tout petit stand de nourriture à emporter. Elles sont toutes en costumes traditionnels. Même la balayeuse de rue !
De l’autre côté de la rive, la montagne se dessine derrière la surface lisse du lac, les paysages sont presque Ecossais en cet après-midi, le soleil perçant la couche noire des nuages où la pluie tisse ses fils au loin sur l’horizon. Heureusement, nous sommes au sec.
Le lendemain, le front pluvieux s’est installé pour la journée. Qu’à cela ne tienne : les filles en profiteront pour travailler. Papa, lui, va tester l’imperméabilité de son équipement en marchant trois heures sous la pluie pour visiter le site du temple de ChongSheng et des 3 pagodes, figurant parmi les plus anciens édifices du Sud-Ouest de la Chine. La taille du complexe est impressionnante s’étalant jusqu’aux pentes des monts Cang Shan. On enchaîne les bordées d’escalier (pour ne pas changer 😉). L’ensemble a été reconstruit et clairement pensé afin d’en exploiter au maximum le potentiel touristique. Cela donne une impression de grand complexe, manquant un peu d’âme. On notera que même les donations au culte peuvent se faire en paiement par mobile. Moderne et pragmatique!
L’après-midi, nous découvrons Dali en arpentant ses belles rues bordées de très belles maisons Bai. De nombreux commerces et restaurants y sont ouverts. Parmi les quelques lieux à retenir: l’église et son architecture unique reprenant parfaitement les codes de l’architecture Bai; le temple de la littérature et sa cour intime, les portes d’accès à la ville fortifiée.