Pékin l’Impériale
Les paysages enneigés se dessinent à travers le hublot. Zones urbaines et montagnes alternent alors que nous approchons de Pékin. Il a neigé pour le Nouvel An. La troisième fois depuis le début de l’hiver. Avec des températures négatives la nuit, les lacs et les rivières sont gelés de plusieurs dizaines de centimètres.
Le lendemain de notre arrivée, c’est l’anniversaire d’Olivier et pas n’importe lequel: les 40ans! Comme cadeau, nous lui avons réservé une journée “Merveilles de Pékin”: Grande Muraille, Palais d’Eté, cérémonie du thé et le summum: une nuit dans un hôtel, ancienne demeure de mandarins, jouxtant le palais d’Eté.
A 1h30 environ de Pekin, s’élèvent les premières sections facilement accessibles de la Grande Muraille de Chine, l’une des 7 merveilles du monde! Sa construction débuta plusieurs centaines d’année avant Jésus-Christ pour s’étaler sur près de 2000 ans. D’une première longueur de 5 000km, elle atteignit un total de 20 000 km dont presque les deux-tiers sont aujourd’hui détruits ou à l’état de ruine. Donald Trump en rêve! Mais les objectifs étaient avant tout militaires puis commerciaux afin de se protéger des invasions mongoles et des attaques contre les caravanes de la Route de la Soie. Soldats, paysans et prisonniers furent mis à contribution pour sa construction. Le soleil brille, sans doute en l’honneur d’Olivier ;-), et le panorama est magnifique entre les murs dressés de tours de garde qui serpentent sur les lignes de crêtes et les montagnes au loin, certains versants gardant les traces de l’enneigement récent. Entre deux ascensions, parfois presqu’à la verticale (!), on s’échange quelques boules de neige jusqu’aux traditionnels pleurs car l’un a tiré trop fort…ou trop juste ! On ne se lasse pas d’arpenter ce panorama et d’imaginer les soldats qui le gardaient et y allumaient des feux d’alerte en fonction des menaces détectées à l’horizon. Pour redescendre, nous choisissons le parcours de luge. Moins froid et plus ludique que le télésiège!
Retour dans la périphérie de Pékin, là où les Empereurs prenaient leurs quartiers d’Eté pour quitter la chaleur de Pékin et profiter de la Nature. Agencé tout autour du lac….le Palais ď’Eté est un ensemble de jardins, temples, pavillons, ponts, arches, sculptures permettant un minimum de vie administrative mais invitant surtout à la détente et la méditation. Il fut reconstruit suite à la volonté de l’impératrice Cixi à la fin du XIXeme siècle apres avoir été incendié par le corps expéditionnaire franco-anglais en 1860 lors de la seconde guerre de l’Opium (oui, nous adorions cette petite douceur…). L’été, la croisière sur le lac permet de rejoindre les différentes rives. Mais l’hiver, le lac gelé rend cela impossible. Néanmoins, l’expérience est aussi extraordinaire, le lac étant alors investi par les Pékinois qui viennent y louer toutes sortes d’engins à glisser: luges, vélos montés sur patins à glace, etc. Toute la famille fut ravie de ce moment unique, permettant d’approcher certains des beaux monuments du palais depuis le lac. L’ensemble est très paisible et varié dans ces constructions.
La cérémonie du thé ainsi qu’une belle soirée nous attendent non loin de là. Dans une ancienne demeure transformée en hôtel et où les mandarins descendaient avant d’être reçus en audience par l’impératrice. Atmosphère paisible, élégante et sobre. Ce que nous aimons. Nous y apprenons notamment la hiérarchie des thés Chinois: green, yellow, white, black, dark, hulong. Au dîner, le restaurant ajoutera à notre commande deux spécialités Chinoises lors des anniversaires: des nouilles, tout simplement pour souhaiter longue vie au célébré, et un dessert fourré à la pâte d’haricots rouges. Aussi délicieux que fut ce dernier, ses formes nous laissèrent songeurs…et hilares (cf. photo)! Nous contînmes nos rires pour ne pas offenser la cuisine. Quelle belle soirée et journée.
A Pékin, nous logions dans le quartier des fameux “hutong”. Equivalents des “longtang” ou “lilong” de Shanghaï, les hutong sont un ensemble de petites ruelles et maisons construit il y a près de 700 ans organisant à l’origine les habitations autour de puits communs. Les trouvant insalubres…et gênants pour de nouveaux projets immobiliers, les hutong ont été en partie détruits sur ordre du gouvernement avant d’être finalement protégés. Il faut s’enfoncer dans les ruelles pour y découvrir de belles portes qui ouvrent sur chaque petit quartier et le bazar des arrière-cours entre les vélos qui traînent, le linge qui pend et toutes sortes d’encombrants. Dominant les ondulations des toits de tuiles des hutong, les imposantes Tours de la Cloche (la plus grande de Chine avec 7 mètres et 63 tonnes) et du Tambour, sonnaient jadis les heures et les évènements pour le peuple de Pékin.
Parmi ces évènements qui rythmaient la vie de la ville au temps de l’Empire, il nous faut citer les importantes cérémonies visant à implorer les dieux de procurer la pluie, les bonnes moissons et les heureux auspices aux habitants du royaume. Ces cérémonies se faisaient sous la haute supervision de l’Empereur, impliquaient de nombreuses offrandes allant de sacrifices d’animaux aux objets en jade et se déroulaient dans un lieu tout spécialement prévu à cet effet et construit au début du XVème siècle: le Temple du Ciel. Un ensemble de bâtiments à l’architecture hautement symbolique (la terre est carré et le ciel est rond, le chiffre impérial est le 9, plus grand chiffre impair) dans un grand parc au Sud de la ville ancienne.
La remontée vers le coeur de cette ville nous fait passer par la fameuse place Tian’anmen bordée par des bâtiments reflétant toute la “légèreté” de la République Populaire de Chine. A quelques mètres de là, Mao, le maître, veille, d’un côté depuis son Mausolée où il dort du sommeil éternel, d’un autre côté à travers son portrait qui orne la porte de la Paix Céleste (ou Porte Tian’anmen) et semble surveiller les allées venues sur la place…et tourner le dos à la Cité Interdite, demeure pendant 500 ans des Empereurs de Chine.
La Cité Interdite est imposante et impériale dans son style architectural et son agencement. On y imagine facilement les gigantesques processions protocolaires dont les mises en scène contribuaient à diviniser l’Empereur. Comme souvent, certains des plus beaux joyaux et pièces se trouvent dans les bâtiments annexes comme ceux du père de l’Empereur ou encore le pavillon des Melodies Joyeuses qui derrière son nom cache l’un des rares opéras de ce genre sur 3 étages. Nous n’eûmes que quelques heures pour nous y balader mais aurions bien pu y rester le double pour nous imprégner des histoires et intrigues qui s’y nouèrent.
Déjà l’heure est venue de reprendre le train pour Shanghaï et de terminer ainsi notre périple Chinois. Pékin vaut facilement dix jours de visite pour explorer toutes ses richesses, ses musées, ses parcs. Comme pour adresser une bienveillante prière pour le développement de la Chine que nous espérons respectueux de leur héritage historique et de l’environnement, nous faisons une dernière visite au Temple des Lamas, l’un des plus importants temples bouddhistes tibétains au monde. Les odeurs d’encens envahissent les rues voisines tant on y prie devant les nombreuses statues des formes de Bouddha et de Bodhisattva. L’une d’entre elles ne fait pas moins de 12 mètres de haut et est sculptée d’un seul tenant dans un bois du Népal. Nous repartons paisibles et comblés, conscients de notre chance d’avoir découvert un si beau pays dont la grandeur ne peut être qu’effleurée en trois semaines.