Roadtrip – Semaine 2

Roadtrip – Semaine 2

Des Whitsunday Islands à Byron Bay

Les paysages défilent, la végétation d’un vert toujours aussi vif, nourrie des nombreuses pluies récentes. A bien observer la nature, nous la trouvons à la fois sauvage mais en même temps étrangement soignée. Nous nous attendions aux plantes folles grimpant tous les ouvrages des hommes,  s’immisçant dans le moindre interstice et tissant de grandes murailles végétales infranchissables et belliqueuses, toutes épines dressées. Mais rien de tout cela. Il règne comme un ordre, soit très clairement dû à l’intervention de l’homme ainsi que le montrent les étendues d’herbes et les champs soigneusement entretenus, soit comme orchestré par la Nature elle-même. Fidèle, le chemin de fer nous suit, longeant la route, puis disparaissant au coin d’une parcelle et réapparaissant à l’entrée d’une ville. Il est partout. Les marchandises y sont transportées dans de grands wagons de fret jaunes, versions modernes. La canne à sucre, mais aussi le bois ou encore les minerais. En revanche, pas le début d’une écaille de crocodile ou de serpent, ni d’une oreille de kangourou ou de koala. Quelques troupeaux paissent ça et là.

Une longue étape nous fait arriver à Rockhampton, ville d’éleveurs puis de chercheurs d’or. Elle a la particularité de se situer sur le Tropique du Capricorne. Nous y resterons le temps d’une nuit et d’une promenade matinale dans son beau jardin botanique. Les mosies (moustiques) étant en grande forme, dopés par les magnifiques essences de ce jardin, nous ne nous attardons pas trop. Comme dans les jardins de particulier, ou les pelouses des stades et parcs municipaux, un jardinier passe la tondeuse. Serieux mais avec un plaisir certain que de manier l’engin de gauche et de droite. Nous faisons un bref détour par le petit zoo de la ville afin de montrer à quoi ressemblent de vrais kangourous…qui roupillent, tout comme le koala mais qui a au moins la pudeur de se couvrir de feuilles. Nous passerons encore plus vite devant les chimpanzés, ces derniers n’étant pas représentatifs de la faune locale et surtout, avec 98.5% d’ADN en commun avec l’homme…c’est gênant ! Nous reprenons la route.

Kangourous du zoo de Rockhampton

Mon Repos, à quelques kilomètres de Bundaberg. Non, ce n’est pas une traduction mais bien le nom de cette bourgade côtière qu’Augustus Purling Barton choisit pour symboliser ce lieu qu’il considérait comme un havre de paix. Mon Repos est aussi connu pour avoir accueilli à la fin du XIXème siècle une station de cable télégraphe en partenariat avec la France et reliant l’Australie à l’Amérique du Nord via l’Océan Pacifique et la Nouvelle Calédonie. Mais surtout, Mon Repos est depuis les années 70 un sanctuaire protégé. C’est l’un des principaux lieux de ponte du Pacifique Sud de l’une des sept espèces de tortues marines: la caouanne. Espèce protégée. Les volontaires et rangers gardent la plage pendant la période de ponte puis d’éclosion qui se déroule de Novembre à fin Mars. Il est 19h. Il fait nuit. Nous sommes réunis dans le centre d’information et divisés en groupe. Les lumières sont au minimum au centre comme sur la plage et ses environs. Les tortues ne doivent surtout pas être perturbées par une quelconque source de lumière qui les détournerait de leur chemin vers le lieu de ponte, ou, pour les bébés tortues tout juste nés, vers la mer et le large. Sur la plage, les rangers patrouillent et appellent le centre dès qu’il y a de l’activité pour qu’un groupe puisse descendre et observer. Nous sommes les derniers et quelque peu anxieux car il est possible de ne pas être appellés. On ne commande pas la nature! Heureusement, à 22h, nous descendons vers la plage dans un silence religieux et dans le noir, guidés par la seule lampe de notre ranger. Nous assistons à la vérification d’un “nid” où les oeufs ont éclos récemment. Cela permet de vérifier le taux d’éclosion (qui fut excellent à plus de 90% d’oeufs éclos) et aussi de délivrer les quelques bébés tortues n’ayant pas encore trouvé leur chemin vers la mer, bloqués parfois par un éboulis de sable ou des branchages. Nous en délivrons trois et les accompagnons jusqu’aux premières vaguelettes. Disposés en arc de cercle, bienveillants et émus, nous admirons leurs premiers pas pour parcourir les quelques mètres jusqu’à l’eau puis leurs quelques aller-retours au gré du mouvement des vagues, avant de se laisser définitivement emporter vers le large. Ces premiers instants sont très importants car c’est là que les tortues règlent leur balise interne qui les ramènera quarante ans plus tard, âge à partir duquel elles peuvent commencer à pondre, sur la plage de leur naissance.

Encore émerveillés de notre soirée privilégiée en compagnie des tortues, nous atteignons Maryborough, la ville de naissance de P.L. Travers, comédienne et romancière notamment connue pour avoir créé le personnage de Mary Poppins. Elle développa toute la personnalité et l’univers exquis de la gouvernante-magicienne dans huit ouvrages publiés entre 1934 et 1988, dont les titres nous rappellent un peu les Martine: Mary Poppins revient, Mary Poppins ouvre la porte, Mary Poppins au parc, etc. La comparaison s’arrête là. Le style est délicieusement anglais, même si elle est Australienne et d’origine Irlandaise! Les illustrations furent confiées à Mary Shepard, fille de Ernest Howard Shepard, illustrateur célèbre de Winnie l’Ourson. Des aventures débordantes d’esprit et d’imagination et sans doute inspirées du personnage réel de la grande tante de P.L. Travers, “Tante Sass” ou aussi Ellie. Toutes les conditions étaient réunies pour que Walt Disney s’y intéresse et veuille en faire un film qui fut un grand succès en 1964 avec pas moins de cinq Oscars. Il lui fallut beaucoup de force de conviction et de promesses pour obtenir les droits d’adapter à l’écran l’illustre nounou. L’année dernière ouvrit un merveilleux musée retraçant l’univers de P.L. Travers et la création de Mary Poppins. Il réussit parfaitement à retracer l’histoire des ouvrages et de l’auteur tout en créant une atmosphère pétillante incitant à la découverte et à l’imagination. Pour ne rien gâcher, le centre ville de Maryborough est charmant. Il se développa, vous l’aurez deviné, avec la ruée vers l’or et est aujourd’hui actif dans les industries de la laine, du bois et du sucre ! Au coin d’une rue, un objet inédit ressemblant à un pistolet intergalactique pouvant vous propulser en moins d’une seconde sur une planète inconnue. C’est l’invention originale d’un publicitaire d’un journal local souhaitant canaliser les demandes en mariage qui se faisaient à cette époque en moins d’une journée, à peine les courtisans et courtisanes descendus du bâteau. Par cet objet étrange, il attira les futurs amoureux et époux dans son échoppe pour mieux les marier et en faire l’annonce dans son journal. A quoi sert alors le fameux engin? Nous n’avons absolument pas compris malgré de longues minutes d’observation 😉

En face de la plus grande île de sable du monde, Fraser Island, où nous décidons de ne pas nous rendre car il faut quand même maîtriser le budget ( ;-)), se trouve Rainbow Beach. Un lieu paisible et coupé du monde, au coeur du Great Sandy National Park. Nous y séjournons deux jours. Une heure de marche en pleine forêt tropicale nous permet d’atteindre le lac Poona avec ses rives de sable blanc et ses eaux couleur…thé ! Oui, c’est l’expression d’usage. Une façon élégante de dire que l’eau est jaune-marron…no comment. Le lac est tel un lieu gardé secret, camouflé au milieu de l’épaisse couche d’arbres. Sur le chemin, les bruissements et grillons sont étourdissants et les arbres semblent vivants, s’accrochant les uns aux autres, se tordant, se dévorant.

Du sable, il y en a justement à revendre au fameux Carlo Sandblow, une trouée de sable en plein milieu des falaises et de la végétation bordant l’océan. James Cook la vit depuis son navire et décida de la nommer d’après l’un de ces membres d’équipage, le-dit Carlo. La couleur du sable y est changeante depuis le jaune, l’orangé, en passant par le blanc et le noir. Il vient recouvrir les falaises déchiquetées et elles aussi colorées, d’où le nom de Rainbow Beach.Le ciel étant couvert, nous ne pouvons apprécier pleinement la ligne rouge orangée de la principale plage de Rainbow Beach se découpant sur le bleu de l’eau mais nous nous attardons sur la plage en fin de journée face aux rouleaux des vagues, quelques baigneurs s’hasardant dans les premiers mètres d’eau alors qu’un mariage, ou plutôt re-mariage, profite de la plage presque déserte pour immortaliser l’union des deux aimés.

Un peu plus d’une heure plus au Sud, nous nous trouvons à Noosa, station balnéaire chic et surf. Pour la première fois, nous découvrons une plage surveillée mais sans filet anti-méduses et où la baignade est autorisée. Les filles sont ravies ! La sécurité est au maximum. Nous comptons pas moins de six sauveteurs, trois planches de secours, un bâteau à moteur, chacun sa bouée. Pourtant l’espace de baignade surveillée n’est que de quelques dizaines de mètre ! L’explication réside sans doute dans les nombreux surfeurs qui évoluent hors de cette zone et, pour certains, au large, et qui nécessitent une vigilance particulière. Surplombant la plage, la colline de Noosa est sillonnée de beaux chemins de randonnée où nous retrouvons nos arbres enlacés et nos eucalyptus.

James Cook les vit depuis la mer et les nomma « Glasshouse Mountains » tant cette vingtaine de collines émergeant soudain de l’horizon lui fit penser à des fours à verre de sa natale Angleterre. Presque sur notre route vers Byron Bay, nous y faisons un détour. Le temps capricieux maintient une couche basse de nuages qui s’enroule autour des collines. On pense aux paysages de pains karstiques vus au Vietnam et en Chine…à une toute autre échelle.

Byron Bay la cool, Byron Bay la hippie, Byron Bay la bio. Sa situation est unique, au point le plus à l’Est de l’Australie, où bien évidemment domine un phare fort utile aux nombreux navires croisant au large. Nous avons quitté le Queensland et sommes désormais en Nouvelle Galles du Sud. On rajoute une heure de plus sur la montre. Etrange. On se demande comment se passent les journées à la frontière entre les deux états !

Ici tout est plus naturel. La ville est réputée pour ses marchés de fruits et légumes et produits terroir. Avec plusieurs plages splendides, Byron Bay peut aussi s’enorgueillir d’un « break » (ligne de vagues) tout à fait honorable et idéal pour les débutants. C’est le moment où jamais de s’initier en famille à la pratique du surf. Elena et Miki réussissent à se mettre debout et se maintenir en glisse avec une facilité déconcertante, Mona les rejoignant quelques vagues plus tard, alors qu’Olivier se concentre sur une étude approfondie du fonds de l’eau. Voyons le positif, il a testé toutes les possibilités de chute sur une planche de surf, dont le fameux nose dive vous assurant un nettoyage gratuit des fosses nasales. Dans l’arrière pays, on encourage de nombreux jeunes artistes et on sauve des koalas ! Cela n’a pas vraiment de rapport, nous en convenons. En souvenir de notre belle mission au centre de protection des singes vervets en Afrique du Sud, nous nous rendons dans un centre de protection des koalas. Nous apprenons les principales caractéristiques de cet animal discret et faisons connaissance avec certains locataires qui seront un jour relâchés. Le koala vit dans l’Est de l’Australie. Il fut proche de l’extermination dans les années 1930 car chassés pour sa fourrure. Aujourd’hui, il est une espèce toujours considérée en danger. Il dort de 18h à 20h par jour et mange des feuilles d’eucalyptus qu’il choisit soigneusement parmi les 1000 espèces existantes d’eucalyptus. Tout jeune, quand on l’appelle encore un joey, avec l’aide de sa mère, il développe son immunité aux substances toxiques que contient l’eucalyptus. Comment ? En mangeant les déjections de sa mère ! Oui, ce n’est pas très appétissant mais très efficace. Les éléphants, hippos et pandas font la même chose. Le koala est très territorial, avec un mâle alpha qui marque son territoire en imprégnant les arbres d’une huile qu’il produit grâce à une glande qu’il a sur la poitrine, d’où une tâche marron sur la fourrure blanche qui recouvre le reste du ventre.

Petit à petit, nous sentons que nous avançons vers l’Australie plus peuplée. Mais les paysages n’en sont pas moins beaux, et restons relatifs : l’Australie compte 25 millions d’habitants sur un territoire 14 fois plus grand que la France.

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