Sur-emballage et traditions (Japon)
Depuis quelques années, de nombreux articles sont écrits pour dénoncer ce qui frappe toute personne voyageant quelques semaines au Japon: le sur-emballage.
Que ce soit dans les grands supermarchés ou encore dans les nombreuses supérettes très utilisées par les Japonais pour acheter de quoi manger sur le pouce, l’emballage plastique est roi, dans des proportions plus évidentes que dans notre bonne vieille France. Car oui, le sur-emballage est un sujet pour tous les pays! Mais au Japon, encore plus.
Des carottes emballées individuellement; des pommes ou encore des kiwis avec trois couches de plastique; des sauces dans une bouteille plastique, elle-même vendue dans un sachet plastique; des gousses d’ail dans une barquette plastique filmée; la viande vendue souvent en portion individuelle, en barquette, puis filmée, puis remise dans un sac plastique spécifique à la caisse, etc. Les exemples sont nombreux. Mais, pourquoi?
Trois principales raisons dont certaines ancrées dans le mode de vie traditionnel des Japonais: l’esthétique, l’hygiène et le snacking.
Au coeur du mode de vie Japonais, l’esthétique s’applique aussi à l’alimentation. Fruits, légumes, viandes doivent être beaux, sains et présentés dans un aspect parfaitement propre. Cela est encore plus important pour les fruits qui traditionnellement sont offerts et mis en valeur à cette occasion comme de véritables joyaux, dont la couleur et la forme sont magnifiées. C’est donc naturellement qu’ils sont astiqués, brillants et présentés dans le plus bel emballage plastique possible et le plus robuste pour prévenir la détérioration du fruit.
Autre avantage de l’emballage plastique dans ce pays très à cheval sur l’hygiène: limiter les risques de contamination tout au long du parcours de distribution et dans les supermarchés où les clients peuvent les toucher ou éternuer dessus.
Enfin, la présence très développée du snacking dans le mode de vie quotidien des Japonais encourage ce sur-emballage. Les villes japonaises sont remplies de konbinis (terme japonais pour commerces de proximité): 7Eleven, Family Mart, Lawson, etc. Autant de marques qui se bataillent les trottoirs. Il n’est pas rare d’en voir deux séparées d’à peine quelques dizaines de mètre. Dans ces konbinis, le Japonais pressé peut y trouver tout pour un repas rapide en portion individuelle bien sûr. Praticité, rapidité: l’emballage plastique y répond parfaitement.
Conséquence d’une telle pratique dans un pays avec plus de 125 millions d’habitants: le Japon est le plus gros producteur de déchets plastiques par habitant après les Etats-Unis. Environ 100 kg / habitant par an.
En France, nous sommes à 66 kg / habitant par an. Ne fanfaronnons pas, nous sommes dans les derniers élèves de la classe. Néanmoins, nous sommes volontaristes, dans la lignée des récents efforts mondiaux pour limiter l’usage du plastique. Ainsi, l’interdiction des sacs plastiques gratuits dans les supermarchés. Au Japon? C’est encore en débat. Car le Japon, tout comme les Etats-Unis, ont justement refusé de ratifier ce pacte du G7 en 2018 concernant l’interdiction des sacs plastiques gratuits. Le lobby des konbinis marcha à merveille pour influencer cette décision.
Est-ce à dire que les Japonais ne font rien? Non. Depuis 1997, une politique volontariste sur le tri des déchets a été déployée avec un tri selon quatre catégories: les combustibles, les incombustibles, les encombrants et les recyclés. Depuis cette mise en place, le taux de tri est satisfaisant mais comme l’indique la typologie, le débat réside dans la prépondérance de l’incinération (ie. combustible) par rapport à la part du recyclé réellement qui est de 22% soit 4 points en dessous de celle de la France, déjà mauvais élève en Europe.
Autre enjeu du tri des déchets au Japon, le traitement de ces déchets qui jusqu’à récemment se faisait en majorité…en Chine! Mais depuis 2019, la Chine vient de cesser d’accepter l’importation de ces déchets pour se concentrer sur son marché national. Une course à la montre a donc démarré parmi les industriels japonais pour investir dans des capacités de traitement des déchets sur le sol japonais.
Enfin, le 3R: Recycle, Reduce, Reuse; résume parfaitement les efforts restant à faire tant sur le recyclage que, et surtout, sur la réduction des emballages à la source.
Des premières initiatives sont prises par certaines municipalités, anticipant l’engagement tardif du gouvernement japonais à réduire les déchets plastiques de 25% d’ici 2030.
Comme dans les autres pays occidentaux, champions de la sur-consommation, il faudra faire beaucoup plus pour inverser la tendance de la pollution plastique dont l’effroyable symbole est ce 7ème continent de plastique, une immense plaque de 1800 milliards de déchets plastiques dérivant dans l’Océan Pacifique Nord. (Pour en savoir plus: https://www.youtube.com/watch?v=gnqc37adZFQ)
Un espoir: le ocean cleanup!