Bev Willson, poétesse insulaire (Australie)

C’est une anonyme et très peu de détails peuvent être trouvés sur elle sur internet. Pas plus que nous ne l’avons nous même croisée d’ailleurs ni n’avons pu apprendre sur sa vie.
Ce fut une rencontre simple mais à propos. Bev Willson est une habitante de Kangaroo Island, île dont nous avons tant apprécié le calme et le caractère. C’est par hasard que nous avons découvert l’une de ses oeuvres, un recueil de poêmes célébrant Kangaroo Island et ses habitants, vendu en toute discrétion parmi divers articles de souvenirs, dans le petit bureau de poste de la ville de Penneshaw où l’on accoste avec le ferry et où Olivier flanait.

Ses poêmes sont joliment structurés, courts, et dépeignent quelques facettes de l’histoire et du caractère des habitants de l’île. En les lisant, nous avons pris plaisir à voyager dans le temps, imaginant les scènes de vie et évènements des protagonistes mis à l’honneur dans les vers de la poétesse. Nous l’avons aussi imaginée, elle, cherchant et étoffant la matière de ses poêmes dans les histoires et les chansons transmises par la famille, les amis, les voisins, lors des fêtes de famille, des discussions au pub, des évènements qui rythment la vie sur l’ile, à la bibliothèque, auprès des anciens.
Comme tout poète qui raconte son pays natal, elle nous a transmis un peu de l’âme de Kangaroo Island, ses souffrances et ses moments de bonheur, ses pages de gloire et de honte qui font son identité aujourd’hui.
Nous mettons donc Bev Willson à l’honneur en vous proposant une sélection de ces poèmes et espérant que vous les apprécierez tout autant que nous.
For Betsy, wife of Nat Thomas
Entre 1802 et 1836, les chasseurs de lions de mer furent régulièrement déposés à Kangaroo Island pour chasser et collecter des peaux avant d’être récupérés quelques mois plus tard pour les vendre. Certains décidèrent de s’installer et étendirent leur commerce aux peaux de kangourou, sel puis à l’agriculture. Ils avaient besoin d’aide et allèrent la chercher auprès des femmes indigènes qu’ils enlevèrent notamment en Tasmanie. Elles devinrent leurs femmes et les alliances furent plus ou moins heureuses avec le temps. Certaines tentèrent de regagner à la nage le continent, au péril de leur vie. D’autres devinrent des matriarches et femmes d’affaire respectées.

In summer, when soft easterlies blow, I look east towards my land, imagine I see my people…the hills, the sea, the sand of Van Diemen’s land where I was born, and salt tears burn my cheek.
I snare the native wallabies and roos, using threads of canvas sails, I tend the fire and cook the meals, while men keep watch for whales. Oft-times a ship will call to trade in salt and fur and skins and there is then a new supply of sugar, flour and tins of baccy, of tea and even casks of rum, of which there is a dearth here in this strange place, far from the counties of our birth. As the years have drifted on – the children almost grown – I ask myself, Which land can I now call my home?
So, bury me where the waters meet – twixt the lagoon and the pulsing sea. This home is where I’ve lived these years, bore my children, loved ones three; the other from where the soft winds blow with tribal memories ever sweet. Bury me where the waters meet, twixt the lagoon and the pulsing sea.
Jack and Eddie
La jetée s’avance dans les eaux du port. Sur les planches, les traces des marins, les odeurs de mer, de poisson, de coquilllage. Ces deux-là avaient leur rituel, cassant les coquillages et nourrissant au passage les poissons et les chats.

They say the fish knew well the sounds
of Jack and Edie, doing the rounds,
crushing perries with fist-sized rocks,
on jetty where the ferry docks.
The sound of rock on well-worn planks
a food signal from the manna bank.
The ringing sound, a call to arms,
tommies and mullet felt their charms.
Acrid smell of crushed perrie shells,
sharp on the nose as gunpowder smells.
They caught their lunch, more for the cat;
every day, rain or cold, they sat.
Hessian Bags
On les imagine bien le dos courbé, les mains caleuses tenant leur sac jeté sur l’épaule, marchant dans le vent jusqu’au village pour aller faire les comissions. Un sac de toile pour tout contenir, nourriture, vêtements, chaussures tannées.

They say old island men in days long gone
kept goods in sugar bags a metre long,
slung over shoulders and held with one hand,
leaving the other to brush flies that land
on sweat; walking to town takes half an hour
and home again with sugar, tea and flour;
clothes and goods turning brown in wind and dust,
with the smell of old boots and odd bread crusts,
all tied with string in an old hessian bag.
Splendid Isolation
Souvent obligés de s’exiler sur le continent, pour les affaires ou les amours, l’île ne quitte jamais le coeur de ceux qui y sont nés ou y furent adoptés. Le temps venu, le souvenir des lignes et des couleurs de sa côte les ramène jusqu’à elle. A Cape Jervis, ils attendent le ferry qui les conduira auprès d’elle. Une traversée comme une marche vers la liberté, le chez-soi, intact et protecteur.

An island’s definite, exact and precise
with a blue border all round, neat and nice.
We think of our home with deep felt yearning
for windswept beaches, or log fires burning.
When I think of home, the place I belong,
I know where I am going, and where I am from.
Not near Broken Hill or past Oodnadatta,
not near or past anything, for that matter.
We know where we belong – clear in our minds;
just head south from Cape Jervis, if inclined.
It’s the little dry bit, but surrounded by wet,
still simple, natural and unspoiled yet.
Willson River Revisited
Les insulaires sont parfois avares de mots. Loin de s’extasier, tels les intellectuels, sur les beautés naturelles de leur île, ils les chérissent, simplement, humblement.

Floating frothy shapes on crystal clear
stream, reflecting gum trees, sky and light;
still and distant mirrored pools give flight
to dreamy grandeur in other spheres.
We’d fight to preserve such untouched land
in Tasmania or the north-east coast
in places fashionable to boast
that people had seen and been impressed.
Elsewhere the crowds could be moved to sing
Dominum Magnificat, but we just state,
‘Went down the creek today…nice place, that.’
I’ll praise Willson River from within.
Do you remember?
Le souvenir d’une soirée et des joies simples. Un air de musique et une sucrerie partagée. La lune, la mer, les lucioles, les bons moments. Dernière soirée passée ensemble? Ce soir-là, nul ne le savait.

Do you remember that night on the bay,
watching the glow-worms, hearing Pete play
button accordion, eating with spoons,
sweetened condensed milk…seeing the moon
reflected in water as calm and serene
as smooth and unruffled as our lives had been?
It was hard to let go, to head for the shore
but the moment was gone, was no more.
So many years on…say you remember that night
and the way that the glow-worms reflected the light.
Our life paths diverged then, so much I could say,
but do you remember that night on the bay?